Prix Handi-Livres 2017 : Mention Spéciale

Fabien Marsaud, dit Grand Corps Malade, adresse un message vidéo de remerciements pour son prix.

L'auteur

Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, est un slameur français né le 31 juillet 1977 au Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis. En juillet 1997, à la suite d'un mauvais plongeon dans une piscine alors qu'il était animateur de colonie de vacances pour la ville de Saint-Denis, Fabien Marsaud se déplace des vertèbres et apprend qu'il ne remarchera jamais. En 1999, il retrouve l'usage de ses jambes après un an de rééducation. C'est en référence à cette expérience douloureuse qu'il a pris le pseudonyme Grand Corps Malade. En octobre 2003, il fit son premier slam dans un bar parisien. Par la suite, un de ses amis (S Petit Nico) lui proposa de transposer ses morceaux en musique, permettant ainsi la création le 27 mars 2006 de son premier album Midi 20 dont le titre correspond à celui d'un morceau où il réduit la vie à l'échelle d'une journée. Il y évoque sa ville, Saint-Denis, son amour de la vie, un chagrin d'amour mais aussi la douleur liée à son accident. Ce premier album, récompensé par deux Victoires de la musique en 2007, fut très médiatisé et permis au public français de découvrir le slam. Parfois a capella, souvent accompagnés d'une mélodie minimaliste en arrière-plan, ses morceaux sont déclamés avec une voix naturelle et parfaitement compréhensible. Une grande importance est en effet accordée à la narration et à un humour mêlant les clins d'œil aux figures de style.

A noter

Le récit autobiographique de Grand Corps Malade est d’abord paru en 2012 aux éditions Don Quichotte. Fort du succès rencontré par le livre et dans la foulée de son adaptation au cinéma en mars dernier, les éditions du Seuil ont récemment proposé la sortie du livre en poche pour toucher un plus grand nombre de lecteurs.

Résumé

À tout juste 20 ans, alors qu'il chahute avec des amis, Fabien heurte le fond d'une piscine. Les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie. Dans le style poétique, drôle et incisif qu'on lui connaît, Grand Corps malade relate les péripéties vécues avec ses colocataires d'infortune dans un centre de rééducation. Jonglant avec émotion et dérision, ce récit est aussi celui d'une renaissance.

Critique/Avis

« Mais qu’est-ce que je fous là ? » s’interrogeait à son arrivée au centre de rééducation celui qui allait devenir un slameur incontournable de la scène française. Il ignorait encore qu’à son handicap physique s’ajouterait la douleur imposée par la perte d’intimité consécutive à la vie dans ce genre d’endroit. Sans masque, il confronte le lecteur face aux malaises du corps trop habitué à être allongé, aux escarres, à l’intimité chahutée par les sondages urinaires, aux érections inopinées, à « l’heure merveilleuse d’aller à la selle » en compagnie de son voisin de chambre et dans les mains d’un aide-soignant… Et quand un tel niveau de pudeur n’est plus, reste à faire le délicat apprentissage de la patience sans sombrer dans la résignation : « Quand tu es dépendant des autres pour le moindre geste, il faut être pote avec la grande aiguille de l’horloge. La patience est un art qui s’apprend patiemment. » Sorti de cette sombre période, Fabien Marsaud devenu Grand Corps Malade prend la plume pour se souvenir des mois passés au centre et de ses compagnons de route. Il livre un récit poignant, parsemé d’un humour corrosif mais indispensable à une prise de recul, et dans lequel on retrouve le talent poétique de son écriture. Un livre important compte tenu de la notoriété de l’artiste qui, par cette expérience, sensibilise un large public aux problématiques du handicap dans notre société.

L’histoire

« Je sors tout juste de l’hôpital où j’étais en réanimation ces dernières semaines. On me conduit aujourd’hui dans un grand centre de rééducation qui regroupe toute la crème du handicap bien lourd : paraplégiques, tétraplégiques, traumatisés crâniens, amputés, grands brûlés... Bref, je sens qu’on va bien s’amuser. » Ainsi débute le récit de Fabien Marsaud peu de temps après avoir appris qu’il resterait probablement paralysé à vie suite à un accident survenu au bord d’une piscine pas assez remplie où il chahutait avec des amis. Direction le centre de rééducation pour ce jeune homme âgé d’à peine 20 ans qui raconte son quotidien cloué sur un lit de misère où le moindre geste doit passer par un tiers : boire un verre d’eau, changer de chaîne de télévision, manger, faire pipi, etc. Un an durant, il va lutter, vivant conjointement de petites améliorations et de grandes désillusions, partageant les progrès et les régressions, les siens et ceux de ses compagnons d’infortune ; ces jeunes qui sont déjà dans la galère car « à vingt, on n’a rien à faire à l’hosto »… De cette aventure collective au sein du « grand paquebot », comme il nomme le centre, Fabien Marsaud parvint à sortir debout avec une autonomie totalement retrouvée, pour devenir l’artiste que l’on connaît désormais. Avec ce témoignage, il rend hommage à tous ces « parfaits témoins des coups de crasse et des injustices de l’existence. Je les verrai toujours comme des icônes de courage, mais pas un courage de héros, non un courage subi, forcé, imposé par l’envie de vivre. »