Prix Handi-Livres 2016 : Mention Spéciale

Prix Handi-Livres 2016 : Mention Spéciale

L'auteure

Sylvie Callet est née en 1965 à Paris et vit depuis une quinzaine d’années à Villefranche-sur-Saône, après plusieurs détours (Toulon, le Pays de Gex et Bellegarde-sur-Valserine). Après avoir suivi des études littéraires, elle devient assistante de presse et suit une formation – avec Aleph Écriture, sous la direction de Fabienne Swiatly – pour animer des ateliers d’écriture. Elle intègre ensuite cette même structure en tant qu’intervenante et participe notamment aux rencontres animées par le fondateur Alain André. En 2002, Sylvie Callet crée l’association Écriture et Papyrus, dont elle coordonne également l’activité culturelle, afin d’offrir à des particuliers mais aussi à des organisations collectives (maisons d’arrêt, établissements scolaires, médiathèques, etc.) des ateliers, des stages d’écriture créative ou encore des rencontres littéraires en lien avec les autres disciplines culturelles et artistiques. Elle est enfin titulaire d’une licence de Gestion des Ressources Humaines grâce à laquelle elle propose des formations aux écrits professionnels pour des salariés de mairies, de collectivités territoriales ou encore pour des structures médico-sociales (APF Formation, Fondation OVE, etc.). Sylvie Callet se définit davantage comme une accompagnatrice et a ainsi répondu à diverses commandes pour des institutions privées et publiques : Femmes de l’Ain faiseuses d’histoire passeuses d’espoir, Profession assistante maternelle, Adieu cousettes - Paroles de Lejaby, etc.

A noter

Sylvie Callet a publié de nombreux ouvrages aux Presses du Midi parmi lesquels on compte quatre romans : Patin-Coufin (2005), Le Sang des pierres (2006), Gentille Alouette (2007) et Marie et le ciel autour (2014). S’ajoutent à cette œuvre une trilogie de trois polars et un recueil de témoignages intitulé Les Mots derrière les murs, des mineurs et de la prison (2008).

Résumé

Lorsqu'une jeune fille passe la porte de la grande bâtisse aux murs noirs, elle ignore que, la plupart du temps, c'est pour toujours ! Elle espère y trouver une compensation à son dénuement, un refuge face à l'adversité de la maladie, du handicap, de l'abandon. Pendant plus d'un siècle, l'austère maison du quartier d'Ainay à Lyon offrira l'asile à des jeunes filles dites « incurables ». Elles y grandiront, y travailleront, y vieilliront et y mourront à l'abri du monde. Sans aucun doute, ceux, et surtout celles, qui œuvrent pour recueillir, élever et soigner des filles déshéritées par le sort ou délaissées par leur entourage, le font avec la même volonté louable que celle d'Adélaïde Perrin, la fondatrice. Mais le prix à payer pour bénéficier de cet asile est lourd, c'est celui du renoncement à la possibilité de diriger sa vie : pour mieux protéger les filles invalides, l'institution les entoure de murs noirs qui les contraignent à une existence confinée.

Critique/Avis

Les témoignages récoltés et commentés par Sylvie Callet dans cet ouvrage constituent une importante mise en perspective de l’histoire du handicap et de ses récentes évolutions. À travers l’austérité des parcours de vie des « jeunes filles incurables » d’Ainay, le lecteur revisite ainsi une période de notre histoire nationale où le handicap faisait peur et était relégué au sein de ces sombres bâtisses, loin des regards de la société. Une époque où la simple distinction entre le handicap physique et mental n’existait pas, où la déficience n’était pas soignée et ne recevait pour seule attention que celle des personnes, à l’image d’Adelaïde Perrin, qui avaient une approche plus « généreuse » et solidaire de l’humanité. Le récit de femmes dans le cas présent qui franchissaient la porte d’entrée d’un espace confiné dont elles ne sortiraient plus jamais pour la plupart avant de mourir, entre vie autarcique mais aussi protégée et selon un esprit de solidarité incroyable dans les mémoires de celles qui ont survécu et qui parviennent à en retracer les contours non sans un certain humour. Le dernier chapitre, « L’âme de la maison », place ainsi l’institution lyonnaise au carrefour de l’histoire, quand la loi de 1975 – actualisée en 2002 – a permis de ne plus considérer la personne comme étant uniquement un « objet de soins » mais comme un acteur à part entière de la société. Des lois qui ont permis de privilégier l’individu derrière le handicap pour favoriser son indispensable intégration et dont ce livre permet de prendre toute la mesure.

L’histoire

En 1819, Adelaïde Perrin fonde l’Établissement des jeunes filles incurables, « une maison destinée à recevoir, soulager et entretenir autant d’infirmes que ses moyens le lui permettront ». Si quelques 150 ans plus tard, en 1977, les religieuses quittèrent ce qu’on appelait le Centre Adélaïde Perrin, qui a depuis connu plusieurs évolutions, Sylvie Callet a pu recueillir les témoignages de nombreuses résidentes arrivées au sein de ces « murs noirs » dans la première moitié du XXe siècle et qui lui ont raconté une existence particulière dans ce lieu totalement replié sur lui-même, où la plupart des pensionnaires ont mené une vie totalement à l’écart du monde, arrachées parfois à leur famille mais recevant une protection, un abri et le soutien d’une organisation collective. Un mode de vie à part dans la France torpillée par les évènements de la Seconde Guerre mondiale, où la prise en charge des personnes handicapées révélait une incroyable précarité nuancée par quelques élans de solidarité et des initiatives privées. Une immersion dans l’histoire contemporaine qui tend à montrer également les nombreux progrès qui ont été effectués depuis.