Handi-Livres 2013 : Mention Spéciale : « Relève-toi », de Christine Agnès Louise

Handi-Livres 2013 : Mention Spéciale : « Relève-toi », de Christine Agnès Louise

L’auteur

Christine Slimani est née en 1957 dans une famille de cinq enfants (quatre filles et un garçon) dont elle est l’aînée, avec une mère dépressive et un père alcoolique, violent et tyrannique, traumatisé par son retour de la guerre d’Algérie au cours de laquelle il a combattu. Dès la petite enfance et jusqu’à l’adolescence, une relation incestueuse s’instaure entre ce père et sa fille, avec des actes sexuels aux conséquences irréversibles et une famille qui se divisera progressivement sous le poids du secret.

Les scènes de violence se multiplient avec des punitions perverses infligées à l’ensemble de la famille. L’auteur se souvient de voir sa mère plaquée contre un mur avec un couteau sous la gorge et son mari qui menace de la « saigner », ou encore les cris du chien roué de coups avec un collier étrangleur retourné, etc.

À 40 ans, cet homme quitte le foyer familial au bras d’une jeune femme, pour le soulagement de tous ses enfants. Complètement déprimée, la mère ne cesse de pleurer en répétant comme elle aimait son mari. Ces paroles sont insupportables pour Christine et elle décide de quitter la maison. Âgée de 18 ans, elle est embauchée dans une banque et s’installe dans une chambre de bonne à Paris. Mais un matin son père lui rend visite prétextant vouloir boire un café avec elle et la viole sur le champ.

La suite est apparemment confuse dans l’esprit de la narratrice : comment elle est allée voir un psychiatre, son envie de se jeter par la fenêtre, sa hantise de voir ce père surgir de n’importe où dans sa chambre au point d’être incapable d’aller jusqu’aux toilettes, etc.

Elle profite alors d’un déménagement en banlieue parisienne pour disparaître sans laisser d’adresse et affirme que sa « mémoire se chargea d’enfouir tout ce passé ».

Comme un pied de nez à ce père tyrannique qui disait « ne me ramenez jamais de bougnoule à la maison », elle a aujourd’hui fondé une famille auprès de son époux kabyle, avec lequel ils ont deux garçons

A noter

La vocation de cet ouvrage est de faire reconnaître les séquelles laissées par l’inceste comme étant un handicap. En effet, l’inceste engendre des blessures indélébiles, telles que des TOC (troubles obsessionnels compulsifs), des troubles de l’anxiété, une culpabilité exacerbée, des migraines, les tentatives de suicide, l’hyperémotivité, la frigidité, la brutalité, des troubles du sommeil, la toxicomanie, etc. Mais ces atteintes à la santé mentale ne sont pas aujourd’hui conçues et reconnues parmi les handicaps.

Résumé

Naissance contrainte et forcée,

Prélude à une indéfinie destinée,

La prime complainte du nouveau-né,

Exprime sa faiblesse face aux difficultés :

Son procréateur, peut-être prédateur insoupçonné,

Irresponsable, oppresseur, offenseur aliéné,

Les craintes et les souffrances à leur apogée,

Innocence fragile, face à tant de dangers.

Retourne d’où tu viens, ce monde est inadapté

La lumière est un leurre si tu n’es pas choyé.

Critique/Avis

Il est difficile de sortir indemne de la lecture des poèmes de Christine Slimani : à partir d’un vocabulaire imagé mais simple elle décrit avec beaucoup de réalisme les abominations subies au cours de cette enfance et de cette adolescence on ne peut plus sordides. S’il était possible de dire que le pire est derrière elle, on n’en demeure pas moins dérouté par la façon avec laquelle sa mémoire a pu enfouir au plus profond ces évènements pendant des années, pour finalement resurgir brutalement en 2001. En cela, le récit illustre parfaitement les traces laissées par un inceste ; des traces parfois longues à déceler et tout aussi longue à se débarrasser, si tant est que cela soit possible.

La seule réserve que l’on peut émettre sur ce livre, c’est qu’il ne remplit pas vraiment ses objectifs. En fixant l’histoire dans les limites de son témoignage personnel, l’auteur oublie un peu sa motivation de départ qui était convaincre ou de participer à la reconnaissance des victimes de l’inceste comme étant des personnes en situation de handicap. Le recours à la poésie ne manque pas d’intérêt, loin de là, mais il est aussi très suggestif et aurait donc pu être complété par une partie ou une annexe qui argumente plus précisément en ce sens.

L’histoire

Dans ce recueil de poèmes autobiographiques, Christine Slimani raconte les violences physiques, et notamment sexuelles, que son père lui a infligées depuis son enfance. Quarante-trois poèmes donc qui se proposent d’explorer les terribles épreuves qu’elle a subies : les sévices bien sûr (Fuite, Perdue, Poison, etc.) mais également la manière avec laquelle elle a refoulé ce passé alors qu’elle était mariée et mère de deux enfants. Lorsque ses souvenirs lui sautent à la gorge, s’ajoute la culpabilité de ne pas avoir pu protéger ses petites sœurs. Elle est alors hospitalisée en clinique psychiatrique pour soigner sa dépression et ses gestes suicidaires. La page 47 vient ensuite marquer un interlude dans le récit : l’auteur explique comment sa vocation de mère lui est naturellement venue avec l’ambition de faire d’un enfant un adulte heureux ; c’est aussi l’occasion pour elle de souligner son renoncement à la religion chrétienne, longtemps envisagée comme une voie de secours. À quelques rares exceptions près, les poèmes suivants se veulent plus positifs, abordant le thème de ce que peut être une enfance heureuse et faisant un éloge quasi religieux de la nature.