L’auteur

Ce livre est un ouvrage collectif réalisé à partir de témoignages, de membres du Conseil d’Administration et de salariés, en situation de handicap ou non, parmi lesquels :

• Marie-Thérèse Clot-Verschave (présidente d’honneur)
• Jean Payneau (ancien directeur d’atelier, aujourd’hui directeur adjoint d’Artibois)
• Bertrand Foucher (président du Conseil d’Administration)
• Arnaud Desjonquères (directeur depuis cinq ans)
• Les menuisiers, aides-menuisiers, etc.

Les photographies ont été réalisées par Henri-Jérôme Bertin.

A noter

Artibois est une entreprise sociale à statut associatif agrémentée « Entreprise adaptée », basée à Vaulx en Velin (69), qui accueille depuis 35 ans des personnes en situation d’un handicap lié à une maladie psychique, pour leur redonner les clefs de la vie en société à partir d’une activité professionnelle réelle. Le projet social de l’entreprise est quasi autofinancé par l’activité économique de menuiserie dans le secteur du bâtiment. Artibois compte aujourd’hui trente salariés, dont plus de la moitié sont en situation de handicap. L’entreprise opère actuellement une diversification d’activités en proposant un bouquet de travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements (isolation « verte ») pour avoir 30% de postes d’insertion en plus dans les deux années qui viennent.

Résumé

Ce livre, qui comprend textes et photos, raconte l’originalité du projet d’Artibois dans l’actualité du monde professionnel d’aujourd’hui : l’accueil de la fragilité dans les milieux professionnels, la possibilité de réconcilier les objectifs économiques et sociaux dans une entreprise rentable, la place de la souffrance psychique dans la société contemporaine, l’intérêt du collectif dans la gestion d’entreprise, la transmission d’un savoir-faire selon la pratique du compagnonnage, etc. Un ouvrage qui se veut à portée universelle, c’est-à-dire bien au-delà du récit de l’expérience concrète d’Artibois stricto sensu.

Critique/Avis

L’entreprise Artibois propose un modèle économique et social original et novateur dans la reconnaissance et l’intégration des personnes en situation de handicap psychique. Sa première qualité est d’avoir fait du handicap l’engagement premier de sa vocation : à la différence de nombreuses entreprises, il ne s’agit pas d’un simple label garanti par l’embauche de quelques personnes concernées ; ici, c’est la moitié des salariés qui sont en situation de handicap. Deuxièmement, l’intégration de ce personnel ne se résume pas à l’accomplissement de telle ou telle tâche mais s’étend au fonctionnement de l’entreprise dans son ensemble. Ce principe permet de responsabiliser l’individu, d’encourager une estime de soi mais aussi la confiance en ses partenaires, sur la base d’une communication collective ; les différents témoignages proposés sont particulièrement évocateurs sur ce sujet. C’est enfin une expérience majeure, capable d’ouvrir sur un emploi dans une entreprise ordinaire. Le lecteur trouvera donc dans cet ouvrage un exemple réussi d’intégration des personnes en situation de handicap dans le cadre de l’entreprise. En revanche, il sera un peu déçu s’il cherche des détails précis sur le parcours que cela représente. La chronologie énonce certes les difficultés que l’entreprise a rencontrées depuis sa création mais, en tant que guide, on pouvait espérer quelques conseils sur les démarches à suivre, la législation en vigueur, les structures concernées, etc. ; notamment pour un entrepreneur qui souhaiterait tenter l’aventure.

Son propos pose ainsi les jalons d’une réflexion beaucoup plus large : si l’État et la compagnie d’assurances du Zoo sont condamnés à lui verser une somme d’argent pour réparer le préjudice moral et corporel, c’est une goutte d’eau au regard des discriminations dont il sera victime professionnellement, sans compter la douleur de catalyser un sentiment de frayeur dès qu’il met un pied dehors. On rejoint ici les débats actuels concernant le délit de faciès dans le monde du travail et qui, dans le cas de Pascal Doublet, s’invitent dans le domaine privé. En effet, nombre de réactions dont il fait l’objet s’apparentent ni plus ni moins à une forme de xénophobie (la peur ou le rejet de ce qui est différent, étranger).

L’histoire

À travers une série de trente photos en noir et blanc, la première partie du livre, intitulée « L’équipage », présente les trente-trois membres d’Artibois. Ces photos sont prises dans les ateliers de l’entreprise et sont le fruit du travail du photographe Henri-Jérôme Bertin. La deuxième partie, « Les valeurs », compile des témoignages qui expliquent et justifient les engagements de l’entreprise. Prendre en compte la fragilité psychique d’abord, en accompagnant des personnes dans leur insertion professionnelle et en encourageant la reprise en main d’une activité. Porter collectivement l’activité économique ensuite, en invitant tous les membres du personnel à participer à la rentabilité et au succès d’Artibois, tout en respectant le social et l’environnemental. C’est également construire un projet professionnel adapté qui met les aides-menuisiers en situation réelle de travail via un parcours d’insertion personnalisé, pouvant ouvrir sur un emploi au sein d’une entreprise ordinaire. D’autre part, le travail repose sur le compagnonnage, afin de tisser des liens de confiance entre les différents groupes de travail qui ont été établis et de favoriser le travail en équipe. Enfin dernière valeur, les salariés, permanents, menuisiers ou aides-menuisiers sont associés directement à la vie et à la gouvernance de l’entreprise pour garantir son indépendance et son respect en faveur de l’insertion sociale. La troisième partie est une chronologie qui reprend les dates clés de l’histoire d’Artibois à la lumière des évolutions de la société (politiques, législatives, etc.), depuis la loi du 23 novembre 1957 sur le reclassement professionnel jusqu’à aujourd’hui. Le reportage photo qui suit, en couleur cette fois, représente toute une série de scènes des employés pendant le travail : cela va de l’activité sur les chantiers, en passant par l’évaluation des membres du personnel et des moments de convivialité. En guise de conclusion, le Directeur (Arnaud Desjonquères) et le Président (Bertrand Foucher) proposent un regard croisé sur leur entreprise. De façon très personnelle, ils reviennent sur ce que cet engagement et le contact auprès de personnes en situation de handicap psychique leur ont apporté dans leurs vies respectives ainsi que leur volonté de faire évoluer le modèle d’Artibois dans cette voie.