Numéro 9 - Philippe Mouiller, Sénateur des Deux-Sèvres

Philippe Mouiller, sénateur Les Républicains des Deux-Sèvres

Adoptée le 26 février dernier, la proposition de loi visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) marque plusieurs avancées notables : possibilité de solliciter la prestation après 75 ans, création d’un droit à vie à la PCH, simplification des démarches des bénéficiaires… Le sénateur des Deux-Sèvres Philippe Mouiller (LR), qui fut le rapporteur¹ du texte, revient sur le contexte et les principaux apports de cette loi.

Q1. Quelle est la philosophie et l’objectif de la loi relative à l’accès à la PCH ?

Je ne sais pas si l’on peut parler de philosophie, mais je sais que ce texte procède d’une méthode, qui consiste en deux choses simples. D’une part, faire confiance à l’intelligence des territoires. Il s’agissait en effet à l’origine d’une proposition de loi – et non un projet de loi –, c’est-à-dire une initiative parlementaire. Nous sommes assez habitués à porter au crédit des gouvernements les progrès accomplis en matière de handicap, ou d’action sociale en général. Mais les parlementaires, qui sont en contact permanent avec les administrés, les associations ou les services publics locaux, peuvent également apporter leur pierre à l’édifice, car ils ont une vision unique de la réalité de terrain.

Ce texte s’inscrit d’autre part dans la suite des travaux et réflexions lancés, parallèlement à ceux de la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, par la commission des affaires sociales du Sénat. J’avais ainsi réalisé il y a un an et demi un rapport intitulé « repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive », qui s’interrogeait, notamment, sur les moyens d’améliorer la PCH.

La loi poursuit trois objectifs. D’abord, créer de nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap. Elle supprime ainsi la barrière de 75 ans au-delà de laquelle il n’est plus possible de faire une demande de PCH, et attribue un droit à vie à la prestation lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Ensuite, elle simplifie les démarches des bénéficiaires, en assouplissant les modalités d’attribution de la prestation et les modalités du contrôle, par le président du conseil départemental, de son utilisation. Les personnes handicapées peuvent avoir des besoins de compensation variables selon les moments de l’année, moindres quand ils sont en vacances, par exemple.

Le texte contribue aussi, par la réécriture de la base légale des fonds départementaux de compensation du handicap, à diminuer le reste à charge des personnes. Enfin, il lance d’autres chantiers qu’il était sans doute encore prématuré de prétendre résoudre, et dont le plus brûlant est celui des transports des personnes handicapées.

Q2. La loi handicap de 2005 pour l’égalité des chances prévoyait que « les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire [...] ne peuvent, [...], excéder 10 % de ses ressources personnelles nettes d'impôts dans des conditions définies par décret ». Dans les faits, cela n'a pas nécessairement été le cas : en 2016 l'État a été sanctionné car le décret prévu n’avait toujours pas été rédigé, avec des conséquences financières importantes pour les personnes en situation de handicap. Comment expliquer ce retard et en quoi le dispositif adopté dans la proposition sénatoriale sera de nature à répondre à cet enjeu ?

Je vous remercie de me donner l’occasion d’être plus précis sur ce point, qui a suscité de nombreuses interrogations, bien légitimes d’ailleurs.

Il faut bien voir que la situation était bloquée depuis 2005, car la disposition de la loi relative aux fonds départementaux était si floue que jamais aucun décret n’a pu être pris pour la rendre applicable ! La justice a par conséquent imposé à l’État, en effet, de payer une astreinte pour sanction de son inaction. Depuis 2016, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’euros par an que l’État doit à la justice pour cette raison ! Les fonds départementaux se sont par conséquent développés de manière hétérogène sur le territoire, sans base juridique claire, ce qui n’a pas permis de respecter l’intention du législateur de 2005, à savoir limiter le reste à charge des personnes en situation de handicap ayant droit aux aides à la compensation.

La rédaction retenue dans la loi du 6 mars met un terme à cette situation absurde. Elle réaffirme que les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources personnelles nettes d’impôt des bénéficiaires, ainsi que le rôle des fonds de compensation pour y parvenir. Elle clarifie en outre les personnes éligibles à ces aides. La mention de la capacité des fonds vise à pousser l’État à prendre toute sa part dans leur abondement.

Cette rédaction est le fruit du travail mené avec le Gouvernement : il l’a donc approuvée, et s’est engagé à prendre le décret d’application tant attendu de cette mesure, pour enfin faire fonctionner les fonds départementaux de compensation du handicap de manière homogène sur le territoire.

Q3. La question des déplacements est cruciale pour les personnes en situation de handicap. Elle renvoie à leur capacité à travailler, à suivre une scolarité normale et de manière générale à faire société. Certaines personnes en situation de handicap n'hésitent d'ailleurs pas à dire qu'elles sont, d'une certaine manière, assignée à résidence. L'article 4 prévoit la création d’un comité stratégique placé auprès du ministre chargé des personnes handicapées et chargé de proposer des évolutions pour le transport des personnes handicapées assurées. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Vous avez tout à fait raison : la question des transports est absolument fondamentale pour que les personnes en situation de handicap se sentent pleinement faire partie de la cité. Et nous avons encore beaucoup de progrès à faire en la matière ! Un exemple que je donne souvent, tant il est éloquent : je connais dans mon département une famille dont les deux enfants, en situation de handicap tous les deux, prennent le matin à la même heure des modes de transports distincts afin d’aller pourtant dans la même ville, pour la seule raison qu’ils ne sont pas pris en charge dans le même type d’établissement pendant la journée… Entre les départements et l’assurance maladie, les familles font trop souvent les frais d’une espèce de duels des financeurs. Cela fait partie des sujets que je soulevais déjà dans mon rapport d’octobre 2018.

J’envisageais initialement d’inclure dans la proposition de loi déposée au Sénat des dispositifs expérimentaux pour faire bouger les choses, mais après en avoir longuement discuté avec le Gouvernement, il est apparu que le sujet, qui implique de nombreuses parties prenantes, n’était pas mûr. J’ai donc dû en rabattre en proposant la création d’un petit organe souple auprès du ministre chargé des personnes handicapées pour maintenir le sujet à l’agenda et alimenter la réflexion en attendant une opportunité plus adaptée.

Aux mauvaises langues qui diraient qu’il s’agit là d’un énième comité, je ferai observer, d’une part, que le Gouvernement, qui s’est engagé à faire baisser globalement le nombre d’organes de cette nature, a accepté la création de celui-ci, et d’autre part que les annonces issues de la conférence nationale du handicap du 11 février 2020 sont bien discrètes sur les questions de transports. J’en conclus que nous avons eu raison d’insister, et qu’une fois installé, ce comité sera utile pour catalyser la rédaction d’améliorations concrètes pour faciliter la mobilité des personnes en situation de handicap.


¹Le rôle du rapporteur parlementaire est d’étudier un texte de loi en cours d’élaboration afin de formuler des observations et des amendements afin de l’améliorer.