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Prix Handi-Livres 2020 : Meilleur Livre Jeunesse Adolescent
L'auteure
Née en 1962, Laura Jaffé est de nationalité franco-américaine et vit à Paris. Elle travaille comme documentaliste dans une structure d’enseignement qui accueille des adolescents souffrant de pathologies psychiatriques. Mère d’un enfant handicapé, elle est particulièrement sensibilisée à ces questions. En 2000, elle a publié aux éditions Stock un récit intitulé Max est important, dans lequel elle construisait un dialogue avec ce fils qui ne parle pas. Elle est également une auteure chevronnée, capable d’aborder avec finesse et sensibilité les thèmes les plus complexes. Après s’être éloignée de la littérature jeunesse pendant dix ans, elle revient avec ce roman qui aborde une thématique à laquelle Laura Jaffé est particulièrement attachée.
A noter
En 2019, Journal d’une fille chien a été récompensé par le prix SGDL (Société des Gens de Lettres) du roman jeunesse. Créé en 2017, celui-ci récompense un ouvrage de fiction ou une bande-dessinée dans la catégorie jeunesse, excluant les albums destinés à la petite enfance. Laura Jaffé est donc la troisième personne à se voir décerner ce prix.
Résumé
La Belle et la Bête,
Docteur Jekyll et Mister Hyde,
Esmeralda et Quasimodo,
La Princesse et le Crapaud...
Au jeu des contraires, je suis celle qui perd. Je m’appelle Josépha Bellini, mais à part ma mère, qui s’en souvient ? Je suis laide comme un pou mutant et depuis treize ans que je suis née, ma laideur me tient lieu d’identité. Est-ce une raison pour vouloir me tuer ?
Critique/Avis
C’est une excellente dystopie que signe Laura Jaffé avec Journal d’une fille chien. On pense à Orwell, à Matin Brun de Franck Pavloff, à American Horror Story dans la saison consacrée au Freak Show. Et on pense surtout qu’en très peu de pages l’auteure est parvenue à se singulariser des références citées en offrant une vision glaçante de ce que pourrait (re)devenir le handicap pour les personnes concernées dans une société à la dérive quand elle est prête à tous les compromis. Les pages consacrées à la reconversion de Josépha en vedette de télé-réalité comptent sans doute parmi les plus terrifiantes parce que le lecteur ne peut pas s’empêcher de croire que cela devienne possible un jour : « Cerise sur le gâteau, il paraît même que chaque samedi, on va devoir aller tournée une émission spéciale dans les studios de la Télévision Nationale d’État. Ça va s’appeler Le Grand Freak’s Show. [...] Ne me demande pas si ça me plaît de devoir jouer les singes savants. Si tu crois qu’on nous donne le choix. Mais il y a quand même une chose que j’ai du mal à comprendre. D’habitude, dès que je fais mon apparition quelque part, les gens détournent les yeux horrifiés et sont prêts à prendre leurs jambes à leur cou, et là, abracadabra, magie du petit écran, le téléspectateur inconnu assis bien à l’aise sur son divan, à se goinfrer des cacahuètes qu’il ne peut pas nous jeter, nous applaudit des deux mains chaque soir en prime time et il en redemande. »
Ainsi Laura Jaffé réussit avec force et pertinence à alerter ses lecteurs sur ce que pourrait être le fascisme du XXIe siècle : une ségrégation génétique contre des individus «non- conformes » et instrumentalisés par une propagande médiatique de notre temps qui abonde les cerveaux passifs. Un livre bouleversant à mettre entre toutes les mains.
L’histoire
Dans un futur proche, en 2038, le gouvernement totalitaire pratique la ségrégation génétique envers les personnes handicapées, différentes, non-conformes. Josépha, une adolescente atteinte d’hypertrichose (forte pilosité sur tout le corps) raconte dans son journal intime la montée de ce nouveau fascisme génétique.
Elle relate sa vie ordinaire d’adolescente où se mêlent moments de révolte contre le regard porté sur elle et instants de bonheur fulgurants en compagnie de ses deux inséparables copines. Exclue du collège en raison de son handicap, arrachée à sa famille et à ses amies puis internée dans un centre qui ressemble plus à un camp de concentration qu’à un lieu de soins, elle est forcée de s’exhiber dans une émission de télé-réalité digne des zoos humains de Barnum, en compagnie d’autres « phénomènes de foire » aussi spectaculaires d’apparence qu’elle.
Tandis qu’elle se lie d’amitié avec ses nouveaux compagnons d’infortune et qu’elle découvre l’amour, des mesures de plus en plus radicales mettent leurs vies en danger. Elle tentera tout ce qui est son pouvoir pour infléchir le cours du sombre destin réservé aux enfants du centre...
Inspiré de nombreux faits réels empruntés à la période nazie, le roman est complété par une annexe historique permettant de contextualiser les thématiques abordées dans la fiction.