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Numéro 7 - Jean-Carles Grelier, député LR de la Sarthe
Député Les Républicains (LR) de la 5ème circonscription de la Sarthe, Jean-Carles Grelier est président du groupe d’études « Prévention santé » à l’Assemblée nationale. Suite à sa proposition de loi visant à une meilleure inclusion et prise en charge des troubles Dys, il a accepté de répondre à nos questions et revient sur sa vision et son analyse de la politique Handicap menée par le Gouvernement. Rencontre.
Q1. En mai dernier, vous avez déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à une meilleure inclusion et prise en charge des troubles Dys (dysphasie, dyspraxie, dyslexie, dyscalculie, etc.). Pouvez-vous nous expliquer vos mesures ?
Dans la proposition de loi que j’ai déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, je mets en exergue 4 points essentiels qui embrassent l’organisation du parcours de santé, les conditions d’accueil des enfants Dys à l’école et les possibilités d’aménagements horaires pour les parents salariés, la prévention et les conditions financières de remboursement.
En effet, selon les estimations, 7 millions de personnes sont Dys en France, soit 10% de la population. Il s’agit pour elles d’un véritable parcours du combattant, se heurtant à des applications aléatoires de la loi et à des difficultés administratives conséquentes. De surcroit, le système actuel ne permet de dépister ni suffisamment, ni suffisamment tôt à cause de lacunes criantes en matière de prévention.
Tout d’abord, il semblait nécessaire de restructurer le parcours de soins des personnes porteuses d’un trouble Dys. Ainsi, j’ai proposé un parcours réorganisé sur 3 niveaux de recours, selon la sévérité du trouble, avec un premier niveau coordonné par un nouveau métier : celui d’Infirmier de Pratiques Avancées spécialisé en coordination des actions pédagogiques, médicales, médico-sociales et sociales. Cette nouvelle organisation et ce nouveau statut permettront un accompagnement spécialisé et individualisé des personnes diagnostiquées Dys ainsi qu’une meilleure coordination des différents acteurs. En effet, les parents d’enfants diagnostiqués et les adultes porteurs de troubles Dys sont livrés à eux-mêmes, face à une pluralité d’acteurs médicaux et paramédicaux, sociaux et médicaux sociaux, éducatifs et administratifs.
Une fois le parcours réorganisé, l’idée est bien d’améliorer les possibilités de repérage, de dépistage et de diagnostic. A cet effet, plusieurs dispositions de prévention prévoient d’ouvrir plus largement le nombre de consultations et d’examens médicaux. La loi prévoit par exemple que le forfait précoce, voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et limitant aux enfants âgés de 6 ans, soit ouvert jusqu’à 12 ans, ou que les tests effectués lors de la journée défense et citoyenneté permettent de détecter les adolescents porteurs de troubles.
Mais pour que le dépistage soit réellement efficace, la formation aux troubles Dys des professionnels de santé – notamment les médecins généralistes, les médecins du travail et de l’Éducation nationale – mais aussi les acteurs de l’enfance et les personnels éducatifs est une exigence, à laquelle cette proposition de loi tente de répondre.
Ensuite, cette proposition de loi entend faire de l’école un lieu où ces enfants Dys ont toute leur place. A cet effet, les projets personnalisés de scolarisation et les programme d’accompagnement personnalisé sont rendus opposables, car de trop nombreux enfants ne bénéficient pas des aménagements qui y sont pourtant décidés ! De même, les Maisons Départementales des Personnes Handicapées doivent étudier les dossiers dans un délai de trois mois, pour éviter les pertes de chances dues à des délais administratifs démesurés. La proposition de loi autorise également un certain nombre de spécialistes à pénétrer dans l’enceinte de l’établissement scolaire pour effectuer des consultations.
En effet, de nombreux parents sont contraints de renoncer à leur travail ou pour accompagner leurs enfants aux différents rendez-vous médicaux. Ainsi, des dispositifs sont prévus à cette proposition de loi pour autoriser le don de jour de congé entre salariés en faveur des parents d’enfants Dys ou pour autoriser des aménagements horaires.
Enfin, pour limiter le reste à charge et endiguer le renoncement aux soins, la proposition de loi autorise autoriser le conventionnement des consultations des thérapeutes et psychomotriciens par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie.
Q2. Quels sont les moyens à déployer pour donner la parole aux citoyens en situation de handicap ?
La loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est incontestablement une étape importante en permettant de définir le handicap dans toute sa diversité. Mais elle est loin d’être suffisante et de nombreux moyens logistiques ou matériels pourraient être mis en place, en matière d’urbanisme, de logement, etc.
Pour autant, il me semble indispensable – et urgent – de déployer une vision nouvelle pour réellement transformer la société en profondeur. Les querelles politiques s’écharpent le plus souvent sur la juste dose de public et de privé dans les politiques publiques, et, selon la place sur l’échiquier, tirent plutôt vers le tout public d’un côté et le tout privé de l’autre.
Je crois profondément qu’il est possible d’envisager une troisième voie, qui est celle du monde associatif.
Le monde associatif a cette particularité de créer des lieux et des espaces où des gens, pourtant sociologiquement, politiquement ou philosophiquement divergents, se rencontrent, débattent et s’impliquent dans la vie de la Cité, tant par l’usage des outils digitaux que par des rencontres physiques.
Il faut ainsi repenser les processus de gestion du handicap, notamment le monopole des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), et imaginer confier une partie des missions de service public aux associations. Cela permettrait d’impliquer et de donner plus de voix et de visibilité aux citoyens en situation de handicap et ainsi d’en faire les principaux acteurs de leur propre cause.
Q3. Quelle est pour vous la mesure prioritaire à adopter ?
Je pense qu’avant toute mesure politique, il est urgent de changer de discours et de regard sur les personnes handicapées. Il est indispensable de sortir des discours traditionnels qui sont trop souvent compassionnels, s’y complaisent et ne répondent finalement pas concrètement aux attentes des personnes handicapées. Les personnes atteintes de handicap ne veulent plus être prises comme des personnes différentes et attendent seulement d’avoir la place qui leur revient de droit.
Pour exemple, on parle sans cesse de société « inclusive » mais ce terme, différenciant et inadapté, induit déjà qu’ils sont marginalisés de la société. Le meilleur moyen de traiter les personnes en situation de handicap est d’arrêter de les regarder comme des personnes différentes mais bien comme des citoyens à part entière.
Je salue le positionnement interministériel du Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées désormais placé sous l’autorité du Premier ministre. Cependant pour être efficace, cette organisation fonctionnelle devrait être relayée par la nomination d’un correspondant handicap au sein des administrations centrales de chacun des ministères. Ce qui n’est pas le cas pour l’heure.
Ce correspondant placé sous l’autorité du Secrétaire d’Etat aurait tout à la fois un rôle de vigie et pourrait devenir au sein de chaque administration la courroie de transmission de la politique nationale du handicap.